Ce 16 novembre 2018, en plénière du Parlement francophone bruxellois,
j’ai soumis au vote un texte important.Ce texte d’espoir et de résistance a été adopté par une large majorité, à l’exception du MR.
Il est temps pour les libéraux, attachés aux principes de liberté et de respect, de nous rejoindre sur le front commun de la résistance.
Celui de la solidarité et de la fraternité qu’un humain doit à un autre humain, indépendamment de toute autre considération.Au vu de l’actualité, nous demandons en outre à ce que le Premier Ministre tienne l’engagement pris à l’Assemblée Générale des Nations Unies,
à savoir la signature par la Belgique du Pacte mondial pour les migrations.
« Comme fille de réfugié.e.s, je suis solidaire de toutes celles et ceux qui cherchent refuge dans nos pays européens. Mes parents sans papier ont reconstruit leur vie en Belgique après avoir survécu au génocide nazi. D’où ma sensibilité immédiate, pour tous les exilés, qu’ils fuient la guerre ou la misère ! Comme parlementaire, je suis fière de vous soumettre ce texte d’espoir et de résistance.
Après la guerre en Syrie, qui d’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), a conduit à la plus grave crise humanitaire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, on dénombrait quelques 68,5 millions de personnes déracinées à travers le monde, dont 85% vivent dans un pays en développement. Ces chiffres, comme l’effectivité du droit d’asile, doivent être mis en perspective avec d’autres chiffres. Des chiffres, effroyables, glaçants, et auxquels, nous ne pouvons rester indifférent.e.s, ces quatre dernières années, d’après l’Organisation Internationale pour les Migrations, près de 20.000 migrant.e.s auraient péri en mer, durant leurs traversées de la Mer Méditerranée. Bonne nouvelle dans cet océan de noirceur, le nombre de décès et de disparitions en mer tend à diminuer.
Ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg. Car cette diminution résulte en fait des accords iniques et questionnables que nous avons conclus, d’abord en 2016 entre l’UE et la Turquie, et ensuite en 2017 entre l’UE et la Libye, visant à externaliser la gestion de nos frontières et à intercepter les personnes en-cours de traversées de sorte à les incarcérer dans des centres de détention hors Union Européenne et dès lors rendre impraticable toute demande d’asile.
Ces situations tragiques de dizaines de milliers de personnes aux prises avec des passeurs, tentant la traversée sur des embarcations de fortune, ou sur des canots pneumatiques fragiles et surpeuplés, ont conduit une partie des pays européens à se défaire de l’obligation inconditionnelle qu’est le droit d’asile. À l’heure où, la Hongrie, l’Autriche, la Bulgarie ou encore la Pologne essayent activement de restreindre ce droit. D’autres pays, comme l’Espagne, ont décidé de nous montrer la voie à suivre en agissant de façon proactive dans l’accueil des demandeurs d’asile. On se souvient notamment que lorsque l’Italie et Malte refusèrent catégoriquement d’accueillir le navire humanitaire de l’Aquarius. L’Espagne a permis à celui-ci d’amarrer dans son port de Valence, accueillant ainsi les 629 migrant.e.s à son bord.
Partout dans le monde et singulièrement en Europe, je suis frappée par le repli sur soi, la montée des populismes et des nationalismes[1]. Dans le contexte ambiant, j’invite tout un chacun à user avec prudence du mot « crise ». Non en Belgique, nous n’avons pas assisté à « une crise des réfugié.e.s », en 2016, le rapport statistique de l’Office des Étrangers enregistrait 18.710 demandes d’asile. À titre de comparaison en 2000, à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie, nous avions enregistré quelques 42.7000 demandes. En revanche, nous avons bien assisté à « une crise politique » autour de la question de l’accueil des réfugié.e.s. Cette crise politique a révélé l’incapacité du Gouvernement fédéral à répondre à ces obligations internationales. Face à l’incurie du fédéral, la société civile s’est largement mobilisée pour apporter des solutions et prendre en charge de nombreuses personnes migrantes sur notre territoire. Cet incroyable mouvement de solidarité s’est structuré autour de la « Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés » dont il faut saluer la détermination, l’action et la pérennisation mais qui ne peut en aucun cas se substituer à l’État belge[2].
Cette semaine encore, nous avons assisté à une séquence politique désolante.
Rétroactes : il y a deux ans Ban Ki-Moon, alors Secrétaire général des Nations Unies, lance une réflexion mondiale sur les migrations internationales, qui rappelons-le transcendent les époques et les pays. Le Pacte mondial est l’aboutissement de 18 mois de discussions thématiques et de consultations entre les États membres de l’ONU et des acteurs tels que des élus locaux, des représentants de la société civile et les migrants eux-mêmes. En septembre, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, notre Premier Ministre a pris un engagement formel : « mon pays signera à Marrakech en décembre ce pacte global pour la migration parce que ce texte est une avancée dans la bonne direction ». Il y a 3 jours, nous apprenions que les nationalistes flamands rechignaient à voir la Belgique signer cet accord, non contraignant, mais néanmoins essentiel pour envisager une gestion collective et transversale des questions liées à l’organisation de migrations internationales sûres, ordonnées et régulières.
Face au poids de la NVA dans l’attelage fédéral, on comprend le malaise du Premier Ministre. Mais certaines compromissions sont indignes d’une démocratie. La collaboration, qualifiée de « technique » par la majorité fédérale, avec le régime dictatorial soudanais en était une assurément. La tentative d’intimidation et de criminalisation de la solidarité citoyenne, via les « visites domiciliaires » notamment en était une deuxième, et pas une seconde malheureusement. Elle aurait même pu prétendre au statut de loi scélérate. Jamais deux sans trois, le Gouvernement fédéral a, en contravention de nos obligations internationales, mis en œuvre l’enfermement des enfants. Nous en sommes là, à ce moment précis où une compromission supplémentaire serait la complicité de trop. Soyons clair, toutes les compromissions précédentes n’en sont pas plus tolérables ! Mais là, « Trop is te veel » le Gouvernement fédéral ne peut pas se dédire de son engagement à signer ce Pacte.
Il en va de notre intérêt à participer à l’élaboration et à la stratégie multilatérale en matière de migration. Il en va de l’intérêt des États et des peuples de construire collectivement une politique migratoire solidaire, durable et démocratique. L’histoire européenne est le fruit de ces migrations. Cette mobilité humaine est l’essence de notre prospérité actuelle. Elle est constitutive de nos cultures et de nos économies.
Avant d’aller plus avant, je voudrais rappeler à nous toutes et tous, à l’ensemble des députés présents aujourd’hui qu’en marge de l’Histoire ; celle qu’on écrit avec une majuscule ; celle que Michel Foucault dénomme aussi l’histoire des vainqueurs ; il y en a une myriade d’autres, les nôtres. Chacune de nos décisions et de nos actions s’agrégeant, se coalisant ou non, à celles de tous nos contemporains. Comme démocrate, nous sommes libres de penser et d’agir pour défendre ce qui nous semble juste. Raison pour laquelle, j’espère sincèrement que malgré le vote intervenu en commission la semaine passée cette proposition de résolution sera votée à l’unanimité. Certains silences sont des compromissions indignes des valeurs que nous partageons, toutes et tous ici, j’en ai l’intime conviction, à savoir le droit à la vie et l’égale dignité.
Cette proposition vise à rappeler la prééminence du droit inaliénable qu’est le droit d’asile, consacré par la Convention de Genève de 1951. Nous devons plaider auprès du Gouvernement fédéral pour rendre son effectivité et sa praticabilité à ce droit essentiel.
Cette proposition vise à contrarier toute tentative de criminalisation de la solidarité. Pour rappel, le 5 juillet 2018, le Parlement européen a adopté une résolution sur les lignes directrices destinées aux États membres pour empêcher que l’aide humanitaire ne soit érigée en infraction pénale (2018/2769(RSP)).
Il n’y a pas si longtemps, au niveau du Parlement bruxellois, nous avions déjà adopté, sur proposition de mon groupe et à une très large majorité, une résolution visant à s’opposer aux visites domiciliaires. Aujourd’hui , nous réaffirmons notre solidarité pleine et entière vis-à-vis des nombreux citoyens qui se mobilisent pour les migrant.e.s et le respect de leur égale dignité, et nous continuerons à nous opposer à toute tentative d’intimidation judiciaire, policière, administrative et politique.
Cette résolution demande au Collège de la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale :
Cette résolution s’oppose à la construction de plateformes régionales de débarquement des personnes secourues en mer à l’extérieur des frontières européennes et à la création d’un centre d’enfermement des familles en situation illégale sur le territoire belge, la détention des personnes en situation illégale étant une solution stérile et pathogène.
Compte tenu de l’actualité de cette semaine, je dépose, avec mes collègues Magali Plovie, Joëlle Milquet et Fatoumata Sidibé que je remercie pour leur soutien et apport constructif au texte, un amendement demandant au Gouvernement fédéral de signer le Pacte mondial sur les migrations. Car il est inimaginable que la Belgique ne soutienne pas ce texte qui conçoit à juste titre la migration comme facteur d’unité plutôt que de division, et constitue une avancée importante vers une gouvernance plus humaine des migrations.
Il est temps pour les libéraux, attachés aux principes de liberté et de respect, de nous rejoindre sur le front commun de la résistance. Celui de la solidarité et de la fraternité qu’un humain doit à un autre humain, indépendamment de toute autre considération.
Demain, nous serons confronté.e.s à de nouveaux défis en termes de migration. Ce n’est pas encore un fait, mais c’est déjà une certitude !
Nous devons nous mobiliser pour trouver des solutions collectives à la mobilité humaine, s’isoler et se dédire, ne fera ni disparaitre l’existence ni l’acuité des migrations à venir, au contraire. C’est dans l’anticipation et la construction de solutions négociées collectivement que nous pourrons rencontrer l’intérêt des peuples et des États. »
[1] https://www.liberation.fr/france/2018/10/26/les-droites-radicales-fondent-sur-le-globe_1688207
[2] http://www.bxlrefugees.be/qui-sommes-nous/