Le féminisme est pluriel.
Le féminisme est politique.
Le féminisme est insoumis.

Avant d’aller plus loin, je souhaite démystifier sans plus attendre un poncif selon lequel seules les femmes sont féministes… même si nous sommes peut-être plus nombreuses?
Nous, les femmes, nous ne sommes pas une catégorie à part. Nous sommes la moitié de l’humanité. A priori, comme les hommes nos réalités divergent, selon l’endroit, la culture ou encore le milieu social dans lesquels nous évoluons. Les voix féministes sont plurielles comme l’environnement dans lesquels elles vivent, pensent et militent.

Comme citoyenne engagée dans la lutte pour l’égalité des chances et des droits depuis des décennies, je suis convaincue que la diversité des points de vue et des voix est une chance autant qu’une force. Simone de Beauvoir avait coutume de dire que « si la question des femmes est si oiseuse, c’est que l’arrogance masculine en a fait une querelle ».
Les débats sur la portée, l’opportunité ou encore la légitimité du #metoo ou #balancetonporc ne doivent pas nous faire oublier que la libération de la parole est une source d’émancipation pour le présent, comme pour l’avenir, des hommes et des femmes. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la légitimité de ces paroles libérées qui témoignent de l’ampleur d’une domination et de ses formes multiples.
La force de cette manifestation, sous l’égide d’un hashtag, c’est celle du nombre. À la lumière de ces témoignages, ce qui a été mis au jour précisément c’est la convergence des rapports de domination, et ce, indépendamment des horizons sociaux, économiques et culturels.

Depuis 2015, Jessica Bennett, journaliste du New York Time a mis un mot sur un phénomène que toutes les femmes ont déjà expérimenté lorsqu’elles prennent la parole, le « Manterrupting », le fait d’être interrompue dans son propos par un homme, auquel s’ajoute souvent le « Mansplaining », le fait pour une femme de se voir expliquer par un homme (en long et en large) ce qu’elle sait déjà. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que d’aucun·e-s tentent d’interrompre et de recadrer la parole libérée des femmes en s’inquiétant des conséquences des dénonciations ad hominem du #metoo ou du #balancetonporc. C’est juste de la déclinaison virtuelle, sur les réseaux sociaux, de ces tentatives d’interruption. Or la compilation rapide des très nombreux témoignages montrent que peu d’entre eux visent directement et nominativement une personne.
La libération de la parole est une étape importante qui a permis en d’autres temps de transformer ces paroles en revendications politiques et collectives.

En Belgique, c’est en 1948 que nous, les femmes, avons obtenu le droit de vote, alors qu’en 1923 nos amies turques l’avaient déjà gagné ! C’est en 1990, bien après la loi Veil de 1975 et le Manifeste des 343 de 1971, que la loi « Lallemand-Michielsens » (du nom des deux personnalités politiques qui ont rédigé la loi) a partiellement dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse. C’est en 2002, soit douze ans plus tard, que le coût d’un avortement sera pris en charge par l’assurance-maladie invalidité, un pas de plus vers l’égalité des droits.
Ce bref historique, non exhaustif, vise à nous rappeler que de la parole à l’action et puis à la modification des normes, il y a toujours un temps de latence. Ce temps, il convient de le mettre à profit, de continuer à plaider, à militer et à agir là où nous sommes pour mettre les questions éthiques, de santé publique ou toute autre question pertinente, qui régissent la vie des femmes et des hommes à l’agenda politique.

Nous sommes nos propres revendications, c’est de la diversité et de la force des voix qui s’élèvent en tout lieu que dépendent le changement progressif, par contagion, des normes sociales. Le féminisme est politique car il tend à changer les pratiques à l’échelle collective.
Aujourd’hui, nous sommes féministes car l’égalité des droits consacrée par la Constitution ne se décline pas encore concrètement dans toutes les sphères de nos vies privées et publiques. Nous sommes féministes car nous revendiquons l’égalité salariale, qu’une place plus grande soit accordée aux femmes dans les lieux de décision, une meilleure répartition des tâches domestiques, ou encore la liberté de nous déplacer ou de nous vêtir comme nous l’entendons, en Belgique et partout dans le monde.

Dans une société émancipée, ces revendications devraient être portées collectivement par des femmes et des hommes car l’égalité n’est pas affaire de ségrégation. Ce serait plutôt une dynamique de convergence des luttes dans laquelle l’égalité apporterait à toutes et tous et à chacun·e.
Le féminisme est insoumis car nous continuerons le temps qu’il faudra à faire entendre la différence et la dissonance pour construire et porter les revendications féministes au-delà du genre. Il n’y pas de raison d’opposer le féminisme d’hier et celui d’aujourd’hui dans la mesure où le contexte dans lequel il s’inscrit est différent, et c’est heureux.

Nous, féministes, nous restons mobilisé·e·s afin de nous libérer de l’emprise de certaines normes sociales ou légales sur nos corps et nos vies.

Nous, féministes, nous continuerons à porter haut les principes fondamentaux de liberté et d’égalité. Notre expression ne se limite pas à la journée internationale des droits des femmes. Notre expression est quotidienne, plurielle, politique et insoumise.

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Feminism is plural.
Feminism is political.
Feminism is rebellious.

Before going any further, I wish to demystify without further delay a cliché according to which only women are feminists … even if we are perhaps more numerous?
We, women are not a category apart. We are half of the humanity. A priori, like men, our realities differ, depending on the place, the culture or the social environment in which we live. Feminist voices are plural as the environment in which they live, think and fight.

As a citizen committed to the fight for equal opportunities and rights since almost forty years, I am convinced that the diversity of points of view and voices is both a chance and a strength. Simone de Beauvoir used to say that “if the question of women is so idle, it is because male arrogance has made a quarrel”.
The debates on the scope, the opportunity or the legitimacy of #metoo or #balancetonporc should not make us forget that the release of free speech is a source of emancipation for the present, as for the future, of men and women. There is no need to question the legitimacy of these liberated words that testify to the extent of domination and its multiple forms.
The strength of this demonstration, under the aegis of a hashtag, is that of numbers. In light of these testimonies; What has been brought to light precisely is the convergence of relations of domination, regardless of social, economic and cultural horizons.
Since 2015, Jessica Bennett, a reporter for the New York Time has put a word on a phenomenon that all women have already experienced when they speak, the “Manterrupting”, the fact of being interrupted by a man, to which is often added the “Mansplaining”, the fact for a woman to have a man explaining (in long and broad) what she already knows. It is therefore not surprising that no one is trying to interrupt and reframe the free speech of women by worrying about the consequences of the ad hominem denunciations of #metoo or #balancetonporc. It’s just the virtual declination, on social networks, of these attempts of interruption. But the rapid compilation of the many testimonies shows that few of them directly and nominatively target a person.
The liberation of speech is an important step that has allowed in other times to turn these words into political and collective demands.

In Belgium, it is only in 1948 that we, women, got the right to vote, while our Turkish friends got it in 1923 It was in 1990, long after the Veil Act of 1975 and the Manifesto of 343 of 1971, that the law “Lallemand-Michielsens” (named after the two politicians who drafted the law), partially decriminalized Abortion. In 2002, twelve years later, the cost of an abortion was finally covered by health insurance, a step towards equal rights.

This brief history, not exhaustive, aims to remind us that from speech to action and then to changing standards, there is always a latency. This time, it should be used to continue to advocate and act where we are to put the ethical issues, public health or any other relevant issue, that govern the lives of women and men into the political agenda. We are our own demands, it is the diversity and the strength of the voices that rise in every place that allow the progressive changes, by contagion, or social norms. Feminism is political because it tends to change the practices at the collective level.

Today, we are feminists because the equality of rights enshrined in the Constitution does not yet exist in all spheres of our private and public lives. We are feminists because we demand equal pay, an equal place for women in decision-making, a better repartition of domestic tasks, or the freedom to move or dress as we see fit, in Belgium and all over the world. In an emancipated society, these demands should be brought collectively by women and men because equality is not a matter of segregation. It would rather be a dynamic of convergence of struggles in which equality would apply to everyone.

Feminism is rebellious because we will continue for the time it will take to make the difference and dissonance heard to build and carry feminist claims beyond gender. There is no reason to oppose yesterday’s and today’s feminism to the extent that the context is different, and it is a good thing.

We, feminists, remain mobilized to free ourselves from the grip of certain social or legal norms on our bodies and our lives. We feminists continue to raise the fundamental principles of freedom and equality. Our expression is not limited to the International Day of Women’s Rights. Our expression is daily, plural, political and insubordinate.