En mai 1989– il y a 20 exactement, n’est-ce pas incroyable!-, durant la première Intifada, nous avons réuni à Bruxelles des femmes israéliennes et palestiniennesdans le cadre d’une rencontre publique : « Give Peace a Chance – Women Speak Out ».
Dans les années qui ont suivi, elles ont lancé le « Jerusalem Link »: pour la première fois, une coopération formelle entre Palestiniennes et Israéliennes était mise en place.
Cette coopération s’est poursuivie malgré les tensions et les explosions qui ont secoué la région. En juin 1997, les femmes du Jerusalem Link ont organisé unemanifestation importante à Jérusalem sur le thème « Sharing Jerusalem- Two capitals for two states», un programme visionnaire! Cette manifestation a permis de mettre sur le tapis des scénarios en vue d’une solution pour le statut de Jérusalem dans le cadre d’un accord de paix entre Israël et le peuple palestinien. J’ai été un des partenaires européens du projet et j’ai participé à l’entièreté du processus de réflexion et à sa réalisation.
L’échec du Sommet de Camp David en juillet 2000 et l’explosion de la Deuxième Intifada ont poussé les femmes israéliennes et palestiniennes à revoir leur travail de coopération.
Première constatation : les femmes avaient été absentes de toutes lesnégociations et de tous les processus de paix formels et informels. Deuxième constatation : leur impact était plus marginal que jamais au sein de leurs communautés.
En parallèle avec le vote unanime par le Conseil de Sécurité des Nations Unies de la Résolution 1325, appelant à la participation des femmes à la prévention et à la résolution des conflits ainsi qu’à la construction de la paix, nous avons décidé de mettre en place un mécanisme qui permettrait aux femmes de faire entendre leur voix à la table des négociations.
Avec le soutien de Laurette Onkelinx, à l’issue d’un long processus de réflexion, nous avons lancé en juillet 2005 la « Commission internationale des Femmes pour une paix israélo-palestinienne juste et durable (IWC)». La Commission internationale est une coalition de femmes palestiniennes, israéliennes et internationales de haut niveau qui reconnaissent le besoin urgent que s’instaure une paix juste, basée sur la légalité internationale, les droits de l’homme et l’égalité. Elles considèrent que leur voix commune peut et doit être entendue par les décideurs politiques locaux et internationaux.
Depuis lors, sous l’égide de la directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour le Développement des Femmes (UNIFEM), nous avons travaillé à légitimer l’IWC auprès des acteurs politiques internationaux: l’Union Européenne, les Etats-Unis et l’ONU.
Mes contacts avec mes amies palestiniennes m’ont permis de découvrir la réalité de la vie des femmes des pays du Sud et plus particulièrement, du monde musulman.
Dès mai 1994, nous avons organisé une conférence internationale à Marrakech :200 femmes politiques et responsables d’associations, venues d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, se sont réunies pour examiner comment faireprogresser la condition des femmes en travaillant à réaliser la paix dans la région. Nous sommes arrivées à la conclusion qu’il était nécessaire de développer des réseaux de coopération et de solidarité entre nous et qu’en travaillant de la sorte, nous nous renforcerions mutuellement.
Durant les années qui ont suivi, j’ai beaucoup travaillé pour convaincre lesresponsables européens, avec le soutien du gouvernement belge, de la nécessité de développer des outils permettant un renforcement des femmes dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen. La Commission européenne a finalement lancé en 2005, un programme régional pour le développement économique des femmes. Et en 2006, a eu lien la première conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur les femmes, avec à la clé, un premier et modeste, plan d’action.
Mon optimisme face à ce processus repose sur l’évolution de la prise de conscience de l’importance de la prise en compte du genre dans tous les processus euro-méditerranéens.
En raison de l’expérience que j’avais acquise, en 2003, Romano Prodi, alors Président de la Commission Européenne m’a appelée à faire partie du “Comité des Sages pour le Dialogue entre les peuples et les cultures dans l’Espace euro-méditerranéen”, avec des gens comme Jean Daniel, Umberto Eco, Malek Chebel et Fatema Mernissi.
Le rapport que nous avons alors élaboré a servi de « Feuille de Route » pour la Fondation Anna Lindh pour le Dialogue des Cultures. J’ai dû beaucoup insister pour que dans ce rapport, on intègre la prise en compte de l’égalité hommes-femmescomme une donnée fondamentale du dialogue.
En 2004, nous avons entamé un processus de rencontres et d’échanges entre femmes belges et femmes iraniennes. Avec le soutien de Laurette Onkelinx, nous avons emmené un groupe de femmes belges en Iran et nos collègues iraniennes sont venues en Belgique.
Une fois de plus, nous avons constaté que rien ne vaut le contact direct pour mieux se comprendre, pour réduire les stéréotypes et pour partager nos expériences.
Les femmes iraniennes qui se sont beaucoup investies dans les domaines académique, journalistique et dans des réseaux associatifs, particulièrement durant la présidence de Mohammad Khatami, sont confrontées à de nombreux obstacles, liés a à la structure du régime, un système dans lequel l’Islam est la référence suprême et dans lequel le pouvoir réel repose sur le Guide Suprême et desinstitutions non-démocratiques. Le statut des femmes est soumis aux règles de la Charia et à leur interprétation et elles ont besoin de partager leurs expériences avec des femmes d’ailleurs, dans le monde musulman, en particulier.
Dans ce processus de rencontres avec des femmes iraniennes, nous avons pris conscience de l’importance et de l’utilité de la mise en place d’un échange d’expériences avec des femmes d’autres pays musulmans. Depuis 2006, Amazone, le centre de ressources pour les organisations de femmes en Belgique, mène un projet que j’ai initié : des femmes marocaines, turques, iraniennes et belges se retrouvent et débattent des acquis respectifs dans chacun de ces pays, en termes d’égalité : le statut personnel est un sujet important de discussion, suite à la réforme de la Mudawana, au Maroc. La participation des femmes à la vie politique est aussi un thème prioritaire dans nos discussions ; les stratégies que les femmes belges mettent en pratique peuvent être utiles à nos amies marocaines, turques et iraniennes.
Dans ce projet, comme dans les autres, j’ai appris que rien ne remplace le contact personnel, le débat et l’écoute mutuelle.
Je n’ai encore rien découvert de mieux que cela pour casser les stéréotypes et construire des ponts !