Aujourd’hui se tient à Bruxelles un double sommet européen qui semble être un pas supplémentaire de l’Union Européenne vers un suicide idéologique.

L’objectif de ces deux sommets ? « Endiguer » la crise migratoire coûte que coûte quitte à faire de l’ « Europe forteresse » une réalité. Cette crise n’est pourtant pas la première à laquelle font face les pays membres et peut être surmontée par nos économies comme l’a récemment remarqué pour la Belgique la BNB.

Mais de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui fuient la guerre et une mort certaine, ou un avenir limité à un camp de réfugiés, les Européens n’en veulent pas. Alors qu’on huait encore le Premier Ministre hongrois Viktor Orban en septembre dernier lorsqu’il appelait à fermer par tous les moyens les frontières extérieures de l’UE, ce sont aujourd’hui  les dirigeants européens qui lui donnent raison.

En fermant la Route des Balkans tout d’abord et en renforçant la fermeture déjà entamée par l’Autriche, la Macédoine ou la Hongrie. Mesures qui ne mèneront qu’à isoler encore un peu plus la Grèce et en faire un terminal pour réfugiés. François Gemenne, professeur de sciences politiques à l’ULg et à SciencePo Paris, nous alertait ce matin sur les ondes de La Première sur le caractère totalement illusoire d’une telle mesure: si une Route devait être fermée, une autre se créerait immédiatement et passerait sans doute par la mer Adriatique, avec tous les dangers que cela comporterait pour les réfugiés.

 

Women and children among Syrian refugees striking at the platform of Budapest Keleti railway station. Refugee crisis. Budapest, Hungary, Central Europe, 4 September 2015.

Women and children among Syrian refugees striking at the platform of Budapest Keleti railway station. Refugee crisis. Budapest, Hungary, Central Europe, 4 September 2015.

En nouant un accord avec la Turquie ensuite pour que celle-ci contienne les milliers de réfugiés qui arrivent sur son sol et reprennent ceux qui n’auront pas droit à l’asile en Europe. La Turquie accueille aujourd’hui mieux les réfugiés que l’Union Européenne, c’est une réalité et c’est une honte pour l’Europe. Mais ce qui est scandaleux, c’est que nous soyons prêts à payer le gouvernement Erdogan pour qu’il garde les réfugiés dont nous ne voulons pas. Gouvernement qui pourtant ne cesse de démontrer, et ce week-end encore, qu’il s’était engagé dans une fuite en avant autoritaire. Et l’Union européenne est prête à faire silence sur les dérives de plus en plus dangereuses du régime Erdogan et à lui payer des milliards d’Euros pour qu’il retienne les réfugiés sur le territoire de la Turquie !

La situation est dramatique. Lorsqu’on se remémore les débuts du projet européen et l’espoir qui en émanait, jamais nous n’aurions imaginé une telle issue !

Dans 50 ans, ou plus tôt encore, l’Histoire retiendra que l’Europe s’est détournée massivement de l’essentiel de ses valeurs: l’humanisme, la solidarité, le respect des droits humains.

Que diront nos enfants et nos petits-enfants. N’avons-nous tiré aucune leçon des tragédies du 20ème siècle?

Que restera-t-il du projet européen une fois que nos dirigeants auront décidé que le terminus pour les réfugiés est la Grèce ou la Turquie?

 

 

A lire : excellente tribune de Béatrice Delvaux dans Le SoirEDITO_Bea Delvaux